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Extraits de livres publiés par écrivain du net, écrivain indépendant


Extraits de livres publiés par l'écrivain du net, un écrivain vraiment indépendant...

Avoir les cheveux longs, claquer les portes, ne plus parler, un regard froid, crier « j’en ai marre ! »... Je n’ai rien trouvé d’autre pour lutter... Ma mère répond : « c’est comme ça, tu ne peux rien y changer... certains ont tout à la naissance, d’autres doivent trimer toute leur vie (...) C’est comme le temps, on ne le choisit pas... »

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Le prof d’anglais n’aime pas les cheveux longs. Envie de lui balancer : j’aime pas les humains, les humains comme toi, qui restent dans leur coin et bavent contre mes longs crins alors que moi le soir je rentre en enfer... Je vis en colère. Naturellement si j’avais osé me défendre, je l’aurais vouvoyé et aucun mot aussi vindicatif ne serait sorti. J’intériorisais...
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« J’aurais voulu être couturière, ta grand-mère n’a pas voulu... Avec un métier comme ça, j’aurais été heureuse... Apprends un métier... »

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Quatrième. Je sombre sous les 12 de moyenne générale au premier trimestre. Puis sous les 11. Même en math, je suis relégué à la septième place.

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Betty est donc en sixième. Nous prenons le même bus. Ses copines nous observent continuellement. Difficile de se parler. De plus en plus difficile même. Des regards mais une gêne. Nous n’osons plus. Son regard s’enflamme quand on se croise (les mots d’aujourd’hui) ; à cette époque, je lui trouvais simplement un regard différent des autres filles ; j’avais sûrement, sans m’en rendre compte, le même symptôme ! Ce fut pour elle comme pour moi « la première passion. » Nous ne nous sommes jamais embrassés ni même serrés. Après j’ai connu d’autres œillades aussi intenses, et je les ai vécues ces passions. Je sais bien : notre histoire n’aurait pas survécu au temps. Comme je sais bien : si j’avais contacté Karine en 1989 elle aurait refusé ma démarche littéraire et ses années (décennies ?) de vie en marge pour atteindre un niveau vivable. Elle aurait refusé : nous en avons parlé en 2007. Tout simplement : je n’étais pas en état de vivre des amourettes au collège. Cette année de quatrième fut la plus sombre : idées de suicide.

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Le 14 juillet : ducasse au village. Le chapiteau Lanie, Sono 2000. Ma mère prépare une dizaine de tartes. L’oncle et les cousins viennent manger. Nous allons au bal... À 14 ans je commence « à sortir », ma sœur m’emmène aux ducasses les plus proches. Parfois elle prend Vincent, Guy et Lucie. À 15 ans je sors presque chaque samedi soir. L’après-midi j’ai joué au football, avec Troisvaux, village à une dizaine de kilomètres m’ayant « recruté » après l’année en benjamins à Vublon... pour jouer avant-centre des minimes... mais finalement l’équipe minime ne se constituant pas je suis « surclassé » en cadet, me retrouvant avec des joueurs trois ou quatre ans plus âgés. Le sport m’intéresse de moins en moins. Je me sens mieux en compagnie des filles. À la ducasse de Troisvaux, j’embrasse pour la première fois une Valérie.

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Le soir, quand il est couché, je reste devant la télé le plus tard possible. Jusqu’à la fin des programmes, l’écran de neige. Et je m’entraîne devant la glace à prendre les attitudes des brutes et des truands. J’ai compris : face à ce regard-là, il se tait, baisse même les yeux. Ça devient un masque. La racaille autour du collège me laisse même tranquille. Mes notes proches du passable en quatrième deviennent presque excellentes. 19 en math ! Je porte ce masque à vie ? En 1989 Fanny donnera un nom à cette arme d’autodéfense : quelque chose d’inquiétant.

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Karine n’aime pas quelque chose en moi. Je le sens. Et je n’aime pas quelque chose en elle. Peut-être étais-je tout simplement jaloux face à une privilégiée ? Injuste, qu’elle puisse se consacrer aux études et pas moi. Je sentais bien : sa suprématie n’était pas une question d’intelligence mais de circonstances. Ai-je aussi cherché, en 2007, la confirmation de cette lointaine impression pour laquelle je n’avais alors pas de mots ? Ça lui a fait mal, quelque part, du côté de l’ego, qu’un « élève moyen » (même si je terminais la troisième en tête de ma classe, j’étais resté « moyen » pour elle ; et c’était exact, le niveau des troisièmes B étant nettement moins élevé), ait pu réussir à manier la langue française au point d’écrire des chansons, du théâtre, et qu’elle, l’excellentissime, n’ait, fondamentalement, rien fait.

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« Il ne s’en sortira pas. » Je me sens bien : il est à l’hôpital. Et j’ai entendu : « Il ne s’en sortira pas. » Inflammation du pancréas. Trop bu. Je l’ai cru, ce voisin ! J’étais heureux ! Il ne parlait pas en connaissances médicales, seulement par l’appât de terres à louer. Maintenant je connais les statistiques : moins de cinq pour cent des pancréatites sont mortelles. Il s’en est sorti. Mais il fut « convalescent » quelques mois, sans une goutte d’alcool. Puis tout a recommencé, comme s’il sentait que même une rechute ne serait pas grave ou comme s’il savait préférable pour lui de vivre avec l’alcool et le risque que sans son liquide anesthésiant, euphorisant, abrutissant...

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Comment ont-ils compris ma métamorphose ? La dégradation continue me vouait à la déconfiture en troisième puis au BEP-CAP. Mais j’étais bien à l’école ! Je me retrouvais un peu comme au CM2 ; sans « grands » à redouter. La cour était redevenue un espace de tranquillité. Je rejouais au foot. Pierre Laigle était l’incontestable meilleur, ça n’empêchait pas mon plaisir. Dès le premier trimestre, ma moyenne générale remontait à 12,4 puis 13 et 13,8. Premier en français, math, histoire-géo, biologie, sciences physiques. « Ensemble satisfaisant. Essayez de vous exprimer correctement » note quand même monsieur Nonchez au troisième trimestre, le prof de français. Le patois est toujours en moi, l’absence de bases solides se remarque parfois. On ne sort pas totalement indemne d’un cerveau en friche jusqu’à six ans... ni d’un tel environnement.

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Au sujet du tabac, je suis seul contre tous. « Les hommes ont toujours fumé. » Oui, ça la dérange aussi mais elle « fait avec. » Traditions ! Ma sœur ne dit jamais rien non plus. Ça me dérange et je sais : c’est mauvais pour moi : je dois sûrement pressentir l’existence d’un « tabagisme passif » et suis trop peu civilisé, cultivé, pour balancer « on meurt à quel âge du cancer quand on grandit enfumé ? » Alors je pars dans l’autre pièce ou dans ma chambre. J’ouvre les fenêtres. Même lors des « repas de famille. »

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En 1992, enfin, une loi a reconnu des droits aux non-fumeurs. J’étais alors un bureaucrate, un petit cadre en informatique, à Reims, et le patron fumait. Dès la première réunion après le décret d’application, je l’ai prié d’éteindre sa cigarette. Malaise autour de la table, d’autres sortaient déjà leur paquet. Car tous connaissaient la date fatale mais attendaient le signal du patron, la première du patron, pour reléguer cette loi aux oubliettes des beaux principes sur lesquels peuvent s’asseoir les notables. Il sourit « Si on ouvre la fenêtre, je crois que la fumée ne gênera personne. » J’avais encore très peu de confiance en moi mais je réussis à enchaîner « l’État protège enfin les non-fumeurs, le tabagisme passif cause autant de cancers que le tabagisme actif, je crois qu’il doit exister un local où les fumeurs peuvent aller développer leur cancer. » De toute manière, je souhaitais être licencié. Aujourd’hui, j’aurais le verbe plus fort : « monsieur le directeur, mesdames messieurs les clopeuses clopeurs, vous avez assassiné impunément durant des décennies, et vos crimes resteront impunis, on vous interdit enfin de ne plus nous empoisonner mais sur le passé ils font table rase. Mais nous n’oublierons pas : vous nous avez méprisé car la loi était de votre côté alors aujourd’hui ayez au moins la décence de ne pas l’enfreindre... » Je ne pourrai vraiment plus côtoyer des gens pareils...

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Personne n’a eu la réaction nécessaire. Le « il aurait fallu » n’a aucun sens. Nous n’avons pas su gérer le cas difficile auquel nous étions confrontés. Il n’a pas su gérer son retour d’Algérie et tout s’est enchaîné. Ma mère n’a pas su gérer les premières paroles, les premiers gestes inacceptables. Engrenage. Engrenage de tout temps. Comment Karine a pu accepter de laisser un crétin souiller son essence à partir de l’an 2000, la transformer en amante puis la réifier quand elle a cru tenir son bonheur en devenant « officielle », l’entraîner dans une relation de confrontations ? Même « les hautes études », une culture, ne protègent pas contre un tel piège. Qu’ont d’attirant ces hommes dangereux pour réussir à emprisonner ? Par quoi sont aveuglées les femmes ? Elles pensent « il a changé » et il va redevenir « comme avant. » Quand il frappe : « il a pété un plomb » et elles pardonnent. Non ! Il n’a pas changé : c’est toi qui n’as pas vu l’Essentiel. Mayline, si souvent victime de pervers psychotiques. Mayline déboussolée par le naufrage de son couple (après six mois de mariage) chercha même en moi toutes les maladies psychiques imaginaires pour justifier ma mise en pause ! Puisque eux aussi l’avaient prétendue merveilleuse avant de... Comment dire je t’Aime à une femme qui fut violée ?

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Ah Mayline ! J’ai été le premier homme à me comporter en père avec ses enfants ! C’était naturel pour moi. Trop beau pour être vrai pour elle ! Simplement : leur donner à manger, participer au bain. Pour ses psychotiques c’était son rôle et basta. Et l’homme suprême devait être servi avant les enfants, il avait travaillé lui ! Ça n’a duré que quelques jours. Quand deviendra-t-elle nostalgique de cette harmonie-là comme elle l’est de son enfance ?... son enfance africaine...

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Dimanche de repas. Je dois toujours me taire. Comme les cousins. Il faut se taire, laisser parler « les hommes. » J’écoute et je comprends : nous n’avons aucun lien, des étrangers ; vous n’êtes pas ma famille ; je n’ai pas de famille. Je rêve d’autre chose. Mais quoi ? Comment pourrait-il y avoir autre chose ? Un miracle ? Leur Dieu ? Je pars dans ma chambre écouter Renaud « Société tu m’auras pas. » J’apprends par cœur « Hexagone. »

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Même la racaille derrière les grilles le sait : j’ai découvert le classement dans l’ordre du onze d’or 1982. Rossi, Giresse, Falcao. Je suis l’un des onze gagnants du mensuel Onze et assisterai à la finale de la coupe d’Europe des clubs champions en Grèce, à Athènes. Ma mère souhaite m’en empêcher : l’avion va exploser, je vais me perdre, être kidnappé, assassiné... Hambourg contre Juventus. Je veux y aller ! J’irai ! Viva Platini ! Le prof de sport regrette de ne pas m’avoir demandé conseil ! Lui aussi me regarde autrement : il me recrute même pour jouer au club local, nettement plus huppé que Troisvaux. J’y resterai un an. Ils veulent tous savoir comment j’ai fait. Être le meilleur pour exister ! J’ai simplement réfléchi, lu le numéro qui présentait le concours, avec une extrême attention aux commentaires des journalistes sur chaque joueur. Réfléchir. Réfléchir. Toujours réfléchir avant d’agir...

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Je me sens encore mal à l’aise avec une foule : je sais qu’à l’intérieur rôdent forcément quelques types comme lui. Je sais aussi comment une foule se manipule et pourrait se jeter sur un être différent. Je reste « un être différent. » C’est à vie, ça. On peut guérir de cette enfance mais la route nous éloigne alors définitivement des humains à la dérive. J’ai cherché ma voie. C’est peut-être une chance, quand on l’assume, quand on évite ensuite de prendre une lanterne pour le Soleil.

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Monsieur Bouley, le prof de math, m’a, d’office, inscrit à l’initiation informatique du midi, le mardi et le vendredi. Son meilleur élève en mathématiques de 3eme B. Même presque au niveau de Karine, l’indétrônable de l’autre classe et ses 20 sur 20. Le collège venait de recevoir un ordinateur et il était le seul à oser essayer de l’utiliser. « L’informatique c’est l’avenir. Un jour tout se fera avec un ordinateur. » Il avait sûrement lu cet argument dans une revue ! Monsieur Bouley lisait des revues informatiques ! Il n’a jamais réussi à nous transmettre son enthousiasme, même pas à nous faire comprendre à quoi pourrait vraiment servir cet écran associé à une machine à écrire (avec lequel on ne pouvait même pas capter Canal+). Son plus bel exposé, si je me souviens bien, se référa à un merveilleux programme, où il suffisait de rentrer dans la bête des textes d’Arthur Rimbaud puis d’autres de Charles Baudelaire et l’imprimante crachait un charabia inédit, remplaçant les verbes de l’un par les verbes de l’autre, idem pour les adjectifs et les adverbes. Il s’était enflammé comme s’il avait découvert au moins le théorème de Pythagore...

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Troisième. « Le choix de l’orientation. » - Fais un BEP comme tout le monde, au moins t’auras un métier. Ma mère m’aurait bien vu boulanger ou pâtissier. Faire ses heures et recevoir son salaire à la fin du mois, quelle belle vie ce serait... Pardi, le BEP, toutes et tous ne l’obtenaient pas au village. C’était le BEP ou les études agricoles pour reprendre la ferme. Quelle horreur, un BEP ! Ou un CAP. Je n’ai jamais cherché à connaître la différence. Certains font l’un puis l’autre. Si j’avais suivi ma dérive scolaire c’était mon destin ! Ç’aurait été retrouver les plus médiocres de la classe. Les meilleurs iront au lycée Châtelet à St Pol ou au lycée Lavoisier d’Auchel. Je suis désormais parmi les meilleurs. « Le bac, c’est difficile, tout le monde le dit. » Ma mère doit m’avoir répondu une banalité aussi utile. « Faire des études » se limitait donc à obtenir un diplôme pour devenir ouvrier ! J’avais décidé. J’avais déjà compris : il me faut décider seul, je ne peux rien espérer des autres. Mais St Pol, le lycée Châtelet, ce serait prendre le bus. Et dans le bus, côtoyer la racaille BEP CAP, les petites terreurs de la grille... En second choix, je notais « bac informatique », en premier « centre de formation du RC Lens. » L’informatique c’est Arras. Oui, Lens ou Arras, ce serait enfin autre chose, loin, loin. Karine ira au lycée Châtelet. L’idée ne me vient même pas de choisir en fonction d’elle. Il aurait sûrement été très romantique d’avoir pensé « Karine, je ne t’oublierai pas, un jour, un jour... Mais là où je dois passer personne ne peut m’accompagner... Si j’en sors vivant je serai écrivain... et alors peu importe où tu sois... nous serons heureux... » Je parle de moins en moins. Ils prétendent « il se renferme »... La conscience de ce que je dois faire s’incruste en moi : je sais que je suis le seul à pouvoir mettre fin à l’oppression. Arras ou Reims je trouverai la solution...

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La secrétaire du mensuel Onze, venue m’attendre à la gare du Nord (je suis le seul lauréat mineur), s’exclame en souriant « ta mère n’est pas commode, elle voulait qu’on vienne te chercher en taxi ! » Je me sens bien avec elle. Ah son sourire ! Sûrement déjà aussi beau que le sourire d’une princesse espagnole ! Elle m’emmène au bureau de Onze... Quel était son âge ? 25-30 sûrement... quand nous sommes descendus du taxi, l’immeuble ressemblait tellement à une tour habitable qu’une pensée m’assaillit : pourvu qu’elle m’emmène chez elle... et me fasse découvrir l’amour... Mais c’est le bureau de Onze et elle me présente le directeur... il sera du voyage, elle non. J’aurais voulu rester des heures avec elle ! Comme elle est classe ! Mes oreilles bourdonnent dans l’avion. Comme le monde est grand. Comme c’est beau vu d’en haut ! Nous sommes au dessus des nuages ! Au travers du hublot je vois ces nuages, la mer, la terre. Une vie comme ça, ce serait bien. J’ignore tout de Socrate, Platon, Aristote, je vois « des ruines. » À ce jour mon unique voyage en avion.
L'écrivain est un citoyen du 46 ne soutenant pas la politique lotoise de monsieur Gérard Miquel.
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Ai-je survalorisé mon ressenti pour Karine en revoyant mes années-collège ? Oui, je ressentais « quelque chose » ; je n’avais pas de mots alors ; avec ceux d’aujourd’hui : attirance spirituelle, sensorielle. Attirance née d’une admiration pour ses bonnes notes. Elle représentait LE SAVOIR. Même avant la sixième, Agnès et Nadège, à l’école de Vublon, exerçaient une attraction sur moi. Je les enviais. C’est maintenant une certitude : je ne pourrai plus Aimer une Femme sans union spirituelle. J’ai si longtemps cherché le savoir dans la beauté et souffert du vide intérieur, de cette solitude à deux...

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